samedi 10 novembre 2012

[Livre] "Patients" de Grand Corps Malade


"Patients" de Grand Corps Malade
Edité chez Don Quichotte


En quelques mots : Après une mauvaise chute dans une piscine Fabien, à l’aube de ses 20 ans, nous raconte sa première année de convalescence dans un centre de rééducation pour handicapés lourds. Une histoire personnelle, émouvante, parfois drôle. Un récit toujours instructif sur le quotidien de ses êtres cabossés par la vie. Sur le rythme du quotidien, les soins et les émotions ressentis… Une vraie leçon de vie.


  • En deux mots : handicap & optimisme 
  • En 1 question : Et si perdre c’était aussi gagner ?


Grâce au site Babelio et sa masse critique j'ai pu découvrir le 1er livre de Grand Corps Malade "Patients". Je dois dire que j'étais très impatiente de le lire, car déjà grande fan de tous ses textes, si vifs et percutants, comme : « Définitivement », « les absents », « A l’école de la vie »…Je me demandais comment ses mots allaient ici prendre forme... 


C'est avec un peu de surprise que je découvre le récit de ce qui a mené Fabien vers Grand Corps Malade. Loin de ses textes rythmés et percutants, Fabien nous livre un récit sincère et touchant de son quotidien dans le centre de rééducation qu’il fréquentera pendant un an. Son parcours, les médecins, les rééducateurs, les soins quotidiens, les rencontres avec ses camarades de chambre qui vivent chacun à leur manière le handicap qui les frappe. Entre émotion et dérision, c’est ici finalement le récit d’une nouvelle vie, d’une renaissance…

Fabien fait 1m 94, il a 20 ans et doit accepter de ne plus rien savoir faire seul… Une rééducation difficile et dure mais toujours marquée par l’optimiste des petits combats gagnés chaque jour. Vrai, sincère et drôle, il pointe l’importance du personnel soignant, des médecins, des thérapeutes, des bons comme des cons… Mais surtout, Fabien ne cache rien du désagréable, avec pudeur et réalisme quoique toujours avec une pointe d’humour. Il raconte les séances auxquels on ne voudrait pas penser, les besoins naturels que l’on doit faire chaque jour assisté d’un autre ou en face à face avec son camarade de chambre. Son camarade de galère… Les émissions TV qui tentent de leur vendre des produits qu’ils ne pourront plus jamais utiliser. Il évoque simplement, les progrès quotidien qui font face aux autres qui eux ne progressent plus ou ne progresseront jamais. La dépendance aux autres ou aux objets est ici raconté avec une dose d’optimisme incroyable mais qui nous met nous, valide, face à une réalité insoupçonnée. Je pense ici à la fois où Fabien un jour, suite à une panne de fauteuil électrique, se retrouve coincé au milieu de sa chambre. « Jamais cette chambre ne m’a semblé si grande. Je ne suis pas attaché à mon fauteuil, la porte est grande ouverte et pourtant je suis prisonnier, enfermé dans mon immobilité. Une fois de plus j’attends. ». Le mot relativiser prend alors tout son sens car coincé dans sa chambre, il se souvient de quand il était coincé dans son lit en réanimation. Il y a eu pire…

Des mots simples, vrais, réels et sans tabou, avec toujours une pointe d’humour. Comme lorsqu’il parle d’un de ses infirmiers : « Fabrice est un défi permanent à ta patience. ». 
168 pages pour à peu près 365 jours d’apprivoisement de ce nouveau corps… Cette force qu’ont les handicapés… Si fort dans leur quotidien… A voir les petits bonheurs que l’on ne voit même plus. Cet humour qui me met rapidement les larmes aux yeux de cette compassion que pourtant ils ne veulent pas. L’handicap on fait avec, on n’a pas le choix, mais l’handicap dans les yeux des autres, on ne le maitrise pas…

Au fur et à mesure de la lecture, on voit les pages diminuer et même si les progrès sont là, on n’a pas envie de quitter Fabien qui continue à percevoir chaque jour, les leçons qui lui donne la vie. Avec ses camarades ou comme avec Patrice, victime d’un AVC qui communique avec sa paupière et qui a su partager un texte si beau. Une leçon de vie, une leçon sur ses a priori qu’il partage et nous offre aussi. Il avait jugé Patrice sur son physique alors que finalement il est comme lui, plein de vie… Mais à l’intérieur de lui…Qu’il ne peut exprimer que par sa paupière.

Un livre qui nous rappelle que l’immobilité des membres n’empêche donc pas le mouvement… En esprit, en pensée, en sentiment… L’handicap se gère individuellement mais avec force et soutien des autres aussi. On sait tous que l’histoire de Fabien se termine plutôt bien… Ce gaillard de 1m94 slame aujourd’hui debout dans les cités, les centres d’accueil, les prisons, les maisons de retraite, les écoles… Il est en mouvement pour faire bouger les autres et les choses…


9/10


En bref : Fabien, sans jamais apitoyer le lecteur, nous raconte avec beaucoup de générosité et de sincérité son parcours après l’accident qui marqua sa vie lorsqu’il avait 20 ans. Une leçon de vie et d’optimisme que l’on découvre de page en page entre rire et larmes. L’art des mots justes et vrais qui nous rappelle que l’handicap même si il marque la fin d’une vie connue, ouvre vers un retour à l’essentiel. Une première année où Fabien devient peu à peu Grand Corps Malade…




Morceaux choisis / Citations :

« Moi, le matin, j’aime bien regarder les clips sur M6. Mais quand tu ne peux pas changer de chaine, tu es obligé ensuite de te taper « M6 Boutique » en intégralité ! Qu’est ce que je peux galérer en voyant Pierre et Valérie vanter les mérites de la ceinture qui fait les abdos ou du service de couteaux japonais qui coupent même des pneus… Je suis à deux doigts de renoncer définitivement à regarder les clips de peur de retomber sur Pierre et Valérie. Pouvoir zapper, c’est un grand pas vers l’autonomie. »
 « Quand la faiblesse physique devient une force mentale,(…) »
 « C’est quand même un comble : ça fait un mois que je rêve de m’asseoir et, dès que je suis assis, je n’ai qu’une envie, c’est d’être allongé. »
 « Car si ce fauteuil est un symbole fort de mon immobilité, il va aussi me permettre de me remettre en mouvement. »
 « Un mois et demi que je n’avais pas eu le loisir de choisir mes destinations. »
« Quand tu es dépendant des autres pour le moindre geste, il faut être pote avec la grande aiguille de l’horloge. La patience est un art qui s’apprend patiemment. »
 « J’avais un pote, chaque fois qu’il s’apprêtait à sortir de la salle pour laisser entrer quelqu’un d’autre, il avait ce putain de réflexe, il disait : « bon, je vais y aller, ne bouge pas, je vais dire au suivant qu’il peut entrer. » Ah ! bah merci de me rappeler de ne pas bouger, j’allais justement faire quelques pas chassés dans le couloir… »
« Elle est marrante aussi cette phrase réflexe : ne bouge pas. Dans notre situation, elle est complètement inappropriée, mais on se la sort quand même à tout bout de champ. C’est comme quand tu dis à un aveugle : on se voit demain.»
« Quand tu n’es pas autonome, tu passes plus de temps à attendre, qu’à faire les choses. Un bon patient sait patienter. »
 « C’est jamais inintéressant de prendre une bonne claque sur ses propres idées reçues. »

2 commentaires:

  1. superbe plume, un beau moment de lecture malgré le sujet. A lire, même si on n'apprécie pas le slam. Un beau personnage à découvrir

    RépondreSupprimer