samedi 6 septembre 2014

[Livre] "Le sang des éditeurs" de Mehdi Omaïs





«Le Sang des éditeurs» de Mehdi Omaïs

En quelques mots : Théophile Mansardier à trente ans, il vit encore chez ses parents qui sont couteliers à Gennevilliers. Théophile n'a qu'un ami, pas de petite amie et n'a pas de travail. Son rêve est de publier son premier roman qu'il n'a toujours pas fini. A la mort brutal de son père il se jure d'y arriver mais il se heurte à une succession de refus de la part d'éditeurs. Il perd la tête...


  • En deux mots : conviction & folie
  • En une question : est ce que la folie est en nous ou se révèle?


SPOILERS MI NIMIM

5ème roman de Mehdi Omaïs, "Le sang des éditeurs" est très certainement le plus déroutant de tous ses romans, bien plus sombre et plus violent. Mais tout en gardant les thèmes qui lui sont chers : famille, liens, héritage, destins croisés...

J'avoue "Le sang des éditeurs" n'est pas un roman vers lequel je serais spontanément aller, si ce n'est pour lui et ses précédents livres. J'étais prévenue, il me l'avait annoncé, ce nouveau roman est beaucoup plus noir et sinistre que les précédents. C'est rien de le dire !! Mais en même temps heureusement pour moi et mes nerfs (sensibles) pas autant que je l'aurais cru, même si il reste très différent...

J'ai donc commencé "Le Sang des éditeurs" avec prudence, me demandant presque en avance ce qui m'attendait au détour des pages. Je l'ai souvent dit ici je n'aime que moyennement avoir peur, même si j'aime aussi de temps en temps me laisser prendre dans une intrigue thriller comme peuvent nous l'offrir un livre de Stephen King ou de Maxime Chattam. Finalement "Le sang des éditeurs" se déroule à un tel rythme et une telle intelligence dans les enchainements et l'intrigue que finalement je me fais vite happer par ce qui se trame.

Théophile est un jeune garçon dont la vie semble toute tracée, solitaire et enfant unique d'un couple de couteliers, il est amené à prendre le relai de son père. Mais Théophile n'a qu'un rêve, publier un roman, son roman. Pourtant Théophile se laisse porter par la vie et prend son temps. Il est solitaire, il vit chez ses parents, n'a pas de travail ni de petite amie, si ce n'est une sexfriend qu'il voit de temps en temps. Mais un événement va venir bouleverser sa vie : la mort de son père qui va alors accélérer les choses. (Décidément les héros de Mehdi Omaïs sont souvent orphelin de père.)

Théophile décide donc de prendre sa vie en main et de réaliser ce que souhaitait aussi finalement son père : qu'il devienne écrivain. Mais vouloir est-ce pouvoir? Confiant, il vend le magasin et écrit son premier manuscrit qu'il envoi à plusieurs maisons d'éditions, 14 en tout. (merci d'avoir évité le chiffre 13) mais les retours reviennent inlassablement négatifs mais surtout laconiques... Désorienté, dépressif, lassé, frustré et énervé Théophile va alors décider de les punir à la hauteur de sa déception. De montrer l'exemple, dans le sang et la souffrance.

Dans un style très visuel, Mehdi Omaïs déroule son roman, tel un scénario d'un thriller que l'on découvrirait sur grand écran. Certains dialogues sont percutants et efficaces. L'ambiance est lente et lourde sans être opprésente, le rythme est équilibré et malin, l'intrigue est amenée en douceur, le basculement est sous-jacent et lorsque Théophile passe à l'acte et bascule dans la folie, les scénarios macabres sont variés et vraiment bien trouvés, même si parfois un peu expéditifs. Cependant cela en accentue d'autant le côté novice et imprévu de ce tueur en série né sous nos yeux...

Point de vue tranché sur le monde de l'édition et de la difficulté de se faire éditer de nos jours lorsque son nom n'évoque à priori rien à personne, "Le sang des éditeurs" rappelle qu'écrire c'est aussi risquer des "non" parfois sans aucune explication. Mais c'est aussi rappeler que publier un livre n'est peut être pas aussi facile que l'on ne le pense et que les éditeurs font aussi face à des contraintes financières même si cela ne devrait pas être au détriment des rapports humains.

Et puis "Le sang des éditeurs" renvoi à ce que l'on a de plus sombre en soi, qu'est ce qui fait basculer un être humain vers la folie? Bien sûr tuer un être humain est impensable, mais et si la folie nous frappait un jour? Est ce que nous sommes vraiment à l'abri d'un coup de folie et d'un engrenage incontrôlable? Théophile n'a rien au départ du profil d'un tueur sanguinaire et froid. Et pourtant...

Le petit twist final est d'ailleurs savoureux et intelligent à souhait, bien que complètement FOU !
 
"Le sang des éditeurs" est donc un nouveau genre pour Mehdi Omaïs qui lui convient bien. Son côté cinéphile y est sûrement pour beaucoup. Et je note également un joli clin d'oeil au quotidien pour lequel il travaille ;). Donc un roman qui m'a plu mais qui me fait surtout attendre le prochain qui, il parait, devrait revenir aux premiers.

En bref :  180 pages qui nous porte le temps de quelques heures dans la folie d'un homme qui veut juste être lu... Malin et bien rythmé, violent mais sans être oppressant, avec des dialogues percutant et parfois plein d'humour.


Morceaux choisis / Citations :

"-Jusqu'à preuve du contraire, vous n'êtes pas Patrick Bruel et j'en suis navré. Je vous demande de me laisser travailler."

"Théophile pioche dans le silence. Et attend la phrase choc, l'âme souriante et l'ombre dansante(...)"

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