mardi 19 janvier 2016

[Livre] "L'Ecrivain National" de Serge Joncour




«L'Ecrivain National» de Serge Joncour
Chez Flammarion

En quelques mots : Le jour où il arrive en résidence d'écriture dans une petite ville du centre de la France, Serge découvre dans la gazette locale qu'un certain Commodore, vieux maraîcher à la retraite que tous disent richissime, a disparu sans laisser de traces. On soupçonne deux jeunes « néoruraux », Aurélik et Dora, de l'avoir tué. Mais dans ce fait divers, ce qui fascine le plus l'écrivain, c'est une photo : celle de Dora dans le journal. Dès lors, sous le regard de plus en plus suspicieux des habitants de la ville, cet « écrivain national », comme l'appelle malicieusement monsieur le Maire, va enquêter à sa manière, celle d'un auteur qui recueille les confidences et échafaude des romans, dans l'espoir de se rapprocher de la magnétique Dora. 

  • En deux mots : rencontre & apparence
  • En une question : S'isoler pour finalement mieux se rapprocher des autres?

SPOILER MINIMIM

"L'Ecrivain National" de Serge Joncour, est le 4ème roman que je lis de cet auteur et le charme est toujours autant au rendez-vous. Simplement et avec beaucoup d'astuce l'auteur nous immerge dans une histoire bien plus grande qu'il n'y parait. Comme ces rencontres qui changent un peu la vie, ces romans sont des rencontres qui nous poussent à la réflexion. Ici le jeu des apparences, des non-dits, des suppositions sont mis en avant.

Serge est un écrivain, en cours de divorce, un peu déprimé qui répond à une invitation d'une petite ville de campagne à venir durant une semaine faire des rencontres dédicaces, débats et atelier d'écriture, mais un fait divers local va l'intriguer avec la photo d'une jeune femme qui n'aura de cesse de le fasciner et encore plus lorsqu'il la rencontrera…

On se prend très vite de sympathie pour cet écrivain un peu perdu qui est en plein divorce et en plein questionnement sur lui même et son travail d'écrivain. Pour cet homme qui écoute son instinct et tombe amoureux d'une photo. Pour cet homme qui tombe à vélo, pour cet homme qui va se retrouver au coeur d'une histoire de meurtre et à qui tout le monde vient presque se confier sans qu'il n'ai rien demander… Pour cet homme qui à coeur de suivre les conventions mais qui par amour peut envoyer paître le quand dira-t'on...

Via son personnage principal, Serge, écrivain, Serge Joncour écrivain (non non ce n'est pas une erreur) évoque l'auteur et son imagination lorsqu'il fait des rencontres dans sa vie de tous les jours et que l'imagination s'emballe… Il mentionne également le processus d'écriture, les réseaux sociaux, leurs immédiatetés et les propos repris à tout vent. Je vous invite d'ailleurs à suivre Serge Joncour sur son twitter ici … Après savoir où commence et où se termine la fiction, je pense que c'est justement tout le plaisir de l'écrivain...


Lire Serge Joncour, c'est faire attention aux mots, c'est corner de nombreuses pages pour des tournures de phrases, des choses anodines relevées avec intelligence, pour des sentiments si bien exprimés...
J'ai d'ailleurs eu un gros coup de coeur pour la page 175 et sa gymnastique d'illustration de phrase courte puis longue… j'aime dénicher ces petits trésors d'auteur inscrit au fil des pages. Serge Joncour est pour moi un magicien des mots. Comme à chaque lecture de ses livres, je me retrouve encore avec multiples annotations et pages cornées… 

Lire "L'écrivain national" c'est avoir envie de faire confiance aux gens, parler aux libraires de son petit village, se caler et lire un bon livre et surtout faire confiance en la vie, faire confiance aux rencontres que l'on peut faire et suivre l'instinct qui nous pousse parfois à faire des choses improbables… C'est allez au delà des apparences, allez au delà des non-dits, des rumeurs. C'est ne pas s'arrêter à ce qui se dit et faire ses propres choix. Comme Serge qui renait à la vie, à l'amour par sa rencontre avec Dora. Mais qui est vraiment Dora? Ange ou Démon? Il y a t'il un juste milieu? Est ce que tout est tout blanc ou tout noir?

Une fois la dernière page on a juste envie de demander à l'auteur comment va Dora… Et peut-être une adaptation à venir? Qui sait?...

En bref :  Quand un petit village calme devient plus rocambolesque qu'un bon roman! Quand un écrivain se retrouve au coeur de l'histoire. Quand une rencontre change une vie...


Morceaux choisis / Citations : 


"Alors je bougeais le plus possible, je partais de chez moi comme s'il y avait quelqu'un à fuir, tout en sachant d'avance qu'au retour son ombre et la mienne seraient là à m'attendre…"
 "(…) un prix ça qualifie à vie, avoir un prix ne dure que quelques heures, mais l'avoir eu dure tout une vie."
"La réalité dépasse souvent le fiction, le problème c'est qu'elle est bien moins bavarde, bien plus dissimulée."
"Une bonne fiction n'a pas à ressembler à la vie réelle, c'est le vie qui essaie de toutes ses forces de ressembler à une bonne fiction."
 "Maintenant que je l'avais vue, je me fabriquerais tous les prétextes pour la revoir, quitte à me mentir. Cette fille me fascinait. D'une certaine façon elle était comme moi, une exilée du réel, une malmenée, sinon qu'elle, elle était allée jusqu'au bout, une héroïne mais pour de vrai, maudite ou adulée, traquée en pleine page dans les journaux et insultée là, dans la rue."
"Les livres, c'est l'antidote à cette distance, au moins dans un livre on accède à ces êtres irrémédiablement manqués dans la vie, ces intangibles auxquels on n'aura jamais parlé, mais qui, pour peu de se plonger dans leur histoire, nous livreront tout de leurs plus intimes ressorts, lire, c'est plonger au coeur d'inconnus dont on percevra la plus infime rumination de leur détresse. Lire, c'est voir le monde par mille regards, c'est toucher l'autre dans son essentiel secret, c'est la réponse providentielle à ce grand défaut que l'on a tous de n'être que soi."
 "Vivre, c'est accepter de perdre, quitte à en être gorgé de remords, quitte à regretter. Trop souvent j'en suis resté là, à ne pas oser, par manque d'initiative et d'audace. J'ai en moi tout un ballet d'occasions ratées, d'amours non franchies, de sourires jamais atteints."
"- en lisant un auteur, même s'il ne parle pas de lui dans son livre, on le sent partout à travers les lignes, on est tout le temps avec lui."
"Sans me connaitre elle m'avait bien deviné. Ecrire, tout vient de là. Ecrire c'est se dénoncer."
"Une lettre, c'est ce qu'il y a de mieux à faire pour poser clairement les choses, c'est par écrit qu'on se les dit le plus lisiblement. Quand on se parle en face à face, c'est certes bien des mots qu'on s'envoie, mais des mots dénaturés par les réactions de l'autre, des mots nuancés par ses réponses, des mots moins purs que sur le papier."
"Tomber amoureux de vous, c'est être suspendu à la peur de ne jamais vous revoir."
"Je la sentais blessée, je n'étais plus cet auteur à qui elle avait écrit, mais l'homme qui ne lui avait jamais répondu."
"Je sentais bien qu'il valait mieux maintenir une distance, non pas pour cultiver le secret, mais pour me préserver des siens."

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